(Jabiladi)
Depuis son lancement, le mouvement « Massaiminch » a vu de nombreux jeunes partager leur volonté de défendre les libertés individuelles au Maroc. Cependant, plusieurs d’entre eux se cachent encore pour manger. Fuyant le regard, les critiques,…de leurs parents, familles, voisins ou amis, fait sa savoir à L’Economiste, l’un des meneurs dudit mouvement. Mais le Conseil des oulémas ne les incrimine pas pour autant. D’après Abderrazak El Jay, membre du Conseil des oulémas, le simple fait que des jeunes, dans une société purement musulmane, revendiquent le droit de ne pas faire le ramadan est révélateur d’un échec des bâtisseurs de la société. Il s’est confié à l’Economiste en se disant « intimement convaincu que si ces jeunes en sont arrivés à se poser toutes ces questions aujourd’hui, c’est que la famille, les oulémas et l’école n’ont pas fait leur travail [d’islamisation] correctement ».
« Résoudre le problème par le dialogue et non par la prison »
Selon M. Jay, le problème est plus profond qu’il n’en a l’air. « Il faut résoudre [le] par le dialogue, et non par la prison, [car] pour construire le pays, il faut construire les gens d’abord », explique-t-il. Il prône donc la méthode douce, car il faut « de la tendresse avec les jeunes…ils trouveront toujours une raison pour se rebeller, il faut juste savoir être à leur écoute ».
En faisant ces déclarations, M. Jay s’est fait l’écho du cri de cœur des protagonistes du « Massaiminch ». Ces derniers affirment ne pas avoir pour seul objectif leurs « estomacs », mais visent « un changement des mentalités et une culture de l’acceptation de l’autre ». « Nous voulons que les Marocains comprennent que nous ne sommes pas tous les mêmes, et que nous devons apprendre à vivre avec nos différences », a déclaré à l’Economiste Imad Iddine Habib, cofondateur du collectif marocain pour les libertés individuelles, figurant parmi les initiateurs du mouvement.
Ces jeunes veulent l’abrogation de l’article 222 du code pénal qui condamne de 1 à 6 mois d’emprisonnement et d’une amende de 120 à 1200 dirhams, tout musulman qui rompt le jeûne dans un lieu public pendant la période de ramadan. Mais ça, politiques et universitaires ne l’entendent pas de cette oreille.
Nous sommes dans une « société musulmane »
Mohamed Darif, sociologue, politologue et spécialiste des droits islamiques, explique pour sa part que « le système normatif des droits [et obligations] du citoyen peut contenir des mesures différentes aux droits de l’homme en général ». A titre d’exemple, il cite un « droit universel qu’est le droit à la vie. Pourtant, la condamnation à mort peut être consacrée par la loi ». Donc concernant le jeûne au Maroc, le sociologue considère qu’il n’y a pas matière à débattre. « Il y a des règles dans une société, et il faut les respecter », clame-t-il, ajoutant que le fait de ne pas jeûner en public est donc une « atteinte à l’ordre public dans une société musulmane ».
C’est dans le même sens que le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Mustapha El Khalfi, s’est exprimé sur la question. « Le gouvernement sera ferme dans l’application de la loi, comme il l’a fait depuis son investiture », a-t-il affirmé. Mais pour ces jeunes, le combat continue. A deux semaines de la fin du ramadan, ils ont l’intention de rassembler un maximum de personnes pour des déjeuners factices dans un espace public. Nous sommes donc très loin du controversé pique nique organisé en 2009 par le Mouvement alternatif des libertés individuelles. Ils choisissent le concept de déjeûner factice afin que les gens comprennent que leur vision ne s’arrête pas à leur estomac, disent-ils. Les vidéos de ces rencontres seront largement diffusées sur la toile. Mais vu l’intransigeance des autorités, pourrait-on envisager qu’elle réagissent favorablement à cette action ?